Monnaie Libre, encore un effort !
Cela fait six ans que je m'intéresse à la Monnaie Libre en tant que concept et contribue à la concrétiser via l'écosystème logiciel Duniter et la monnaie Ǧ1. Mon investissement a successivement consisté en :
- comprendre et expliquer
- développer un groupe local (la toile francilienne à l'époque)
- me former au développement logiciel (architecture décentralisée, écosystème logiciel, langage Rust)
- me consacrer au réveil de l'association Axiom Team (financement institutionnel et participatif en €), au développement de l'écosystème logiciel v2 (Duniter-v2s, indexeur v2, Ğcli, Ǧecko...) et à la coordination des contributions, cela grâce à l'allocation chômage
- me consacrer à plein temps au logiciel Duniter-v2s
Jusqu'à aujourd'hui j'ai cherché à avancer sur les points que j'estimais les plus utiles pour la communauté, notamment en contribuant à des aspects "gestion de projet" qui ne correspondaient pas à ce que j'aime le plus faire : documentation et développement logiciel. Je pense avoir identifié certains points critiques pour le développement du projet et vous les présente dans l'article qui suit.
Transmettre le principe
Le premier obstacle que je vois à l'adoption de la monnaie libre est la compréhension d'un principe tellement contraire aux intuitions causées par notre système social (capitalisme, libéralisme, culture, éducation, mode de consommation, de rapport à l'autre...) que seules l'humilité et la détermination permettent de l'acquérir. D'autre part, le sujet est à la fois complexe et systémique, ce qui rend sa transmission particulièrement difficile.
Si beaucoup se sont essayés à transmettre les idées entourant la monnaie libre par le texte, la forme la plus efficace pour assimiler le concept semble être l'expérimentation (Ǧeconomicus, utilisation de la Ğ1, Ğmarchés) et la transmission orale lors de rencontres locales (Ǧapéros, universités d'été).
Nous avons de gros progrès à faire sur cet aspect éducatif, tant du point de vue des supports (sites web, articles, livres, vidéos, podcasts...) que de la Ğ1 elle-même en tant qu'outil pédagogique et expérimentation grandeur nature.
S'intégrer à l'économie locale
L'économie libre est aujourd'hui essentiellement parallèle, au sens où elle part de zéro et recrée des circuits économiques interagissant peu avec ceux existants. Je ne dis pas qu'il faut s'intégrer au système de consommation classique mondialisé, au contraire, nous avons besoin d'une économie locale résiliente, mais que l'économie Ğ1 locale et les autres initiatives existantes gagneraient à mutualiser leurs ressources.
Cette intégration locale ne peut évidemment se faire sans membres de la Ğ1. Il faut donc continuer à accompagner le développement de groupes locaux, notamment en encourageant le déplacement de membres capables de guider les nouveaux dans la création d'un noyau. Il faut faciliter ces actions par la mutualisation des supports de présentation (diapos, dépliants) et la mise à disposition d'outils organisationnels (covoiturage, communication publique).
En 7 ans d'existence, 5000 anciens membres ont quitté la Ğ1 sur un total de 13 500. Si l'on extrapole grossièrement les soldes de l'année précédente, 1700 membres parmi les 8500 actuels quitteront la monnaie dans l'année qui vient (20 %). L'activité économique est ce qui permettra d'attirer un nouveau public et d'augmenter le taux de rétention.
Développer des outils fonctionnels
Pour de multiples raisons déjà abordées sur le forum, l'écosystème technique actuel fait de l'utilisation des outils un acte de foi à part entière. On lit souvent des remarques comme "ça fonctionne de temps à autre", "à chaque fois que je fais une démonstration ça rame et je perds mon public", "ça marche, il faut juste être très très patient", "si la transaction passe pas aujourd'hui, je réessayerai demain", ou pire "ceux qui abandonnent parce que ça ne fonctionne pas ne sont pas assez convaincus par la monnaie libre". On est donc plus au niveau d'une preuve de concept que d'un système prêt pour un usage quotidien.
La ré-écriture de l'écosystème en version 2 corrigera en partie ces problèmes, et c'est ce que je vise personnellement, mais il ne faut pas s'en contenter. Nous devons nous atteler sérieusement aux questions des transactions hors ligne, des supports physiques (électroniques ou non), des plateformes d'échanges spécialisées (logement, réparation, artisanat, services...), et des services associés à la Ğ1 (outils de comptabilité / gestion multi-monnaie, annuaires de compétences, messagerie authentifiée...). Cet écosystème de logiciel libre donne une valeur ajoutée à la Ğ1 donc aucune MLC ne pourrait rêver.
Monter des lieux pionniers permanents
Ne sous-estimons pas le pouvoir d'inspiration et de fédération des lieux pionniers. Les luttes latentes ont besoin d'espaces dédiés à une expérimentation intensive qui servent de démonstrateurs et de référence aux initiatives locales. L'outil informatique permet certes de diffuser les idées sans contraintes géographiques, mais l'économie est avant tout matérielle et donc locale, il lui faut des endroits où s'exprimer pleinement.
Un petit mot
Ça faisait longtemps que je n'avais pas écrit sur ce blog, principalement parce que mes efforts de rédaction étaient concentrés ailleurs, notamment sur le site duniter.fr et son équivalent en anglais duniter.org. J'ai retracé mon activité des dernières années dans des posts de forum :
- (2021-2022) Mes contributions à la Ğ1
- (2022-2023) Je me lance à plein temps
- (2023-2024) Je continue à plein temps
Au sujet de la monnaie libre, je suis toujours à peu près sur la même ligne que mes anciens articles :
- (2018-02) Duniter, pour une monnaie libre, peu après avoir découvert le sujet
- (2018-08) Une monnaie égalitaire, où je reformule la TRM
- (2019-06) Monnaie libre, valeur, crédit, communs, où j'approche le sujet par trois angles différents
Je suis de plus en plus compétent sur les questions logicielles, mais n'ai toujours pas de discours universel "magique" qui convienne à un public large.
Je compte sur tous ceux qui ont compris l'idée et souhaitent la partager et la concrétiser pour mettre à contribution leurs compétences là où ils les pensent utiles.